jeudi 28 mars 2013

Texte - Partager tes nuits




Tu es là sans vraiment l'être. Tu es là mais dans mes rêves.
Dans ces rêves tu partages mes nuits. Dans ces rêves tu me fais l'amour.
Tu me fais l'amour avec tendresse mais aussi sauvagement, bestialement.
Tu me prends de tout ton être. Tu me fais crier jusqu'à ce que je n’en puisse plus.
Tu souilles mes draps, mon corps et mon âme.

Mes nuits sont aussi torrides que tristes. Mon lit aussi défait que vide.
Le souffle court, haletante, chancelante sans avoir fait le moindre effort.
Alors parfois je craque. J’essaye avec d’autres hommes.
Mais la réalité avec eux n’est rien.
Tu me fais plus jouir que n’importe qui sans même le savoir.

Seulement ce ne sont que des rêves. De ceux qui ne se réalisent jamais.
Parce que tu l’aimes. Tu l’aimes si fort que tu ne me vois pas.
Je suis seulement une amie. Une fille mais pas une femme.
Tu me fais des câlins. Des câlins qui ne veulent rien dire.
Qui me mettent dans tous mes états.

Mais tu ne vois rien. Tu dois bien être le seul.
Tous mes amis me disent de te fuir. Que je me fais du mal.
Je ne peux pas. Rien que d’imaginer ne plus te voir me fait souffrir.
Parce que je ne veux pas seulement partager tes nuits, ton lit.
Je veux aussi partager ta vie.

dimanche 17 mars 2013

Life - Il pleure


J’ai quatre ans. Mon grand frère de 13 ans est en train de jouer dehors.
Je suis dans la maison. Je me dirige vers la chambre parentale.
Elle est plongée dans le noir, la porte entrouverte.
J’entends des sanglots.

Je sais que mon père est dans la chambre.
Mais ce n’est pas lui qui pleure. Impossible.
Mon père il est fort, c’est un héros, c’est un militaire.
Un grand. Ça ne pleure pas, un grand.

Il faut que je vois ça. Il faut que je sache.
Je suis une petite fille curieuse.
Me voilà poussant cette porte immense, laissant entrer un peu de lumière.

J’avais raison, mon père est là.
Il est assis au bord du lit.
La tête entre ses mains.
Il pleure. Mon père pleure.

Je vais vers lui. Il me regarde pleins de larmes.
Il me prend dans ses bras. Ses larmes se calment.
Je suis sans voix.
Moi la peste pipelette je n’arrive pas à dire un mot.

Mon père ne parle pas non plus.
Il me serre dans ses bras. Un peu trop fort même.
Je ne sais pas combien de temps on est resté comme ça.
Jusqu’à ce que les larmes s’arrêtent.
Puis il s’est levé et est sorti.

Le soir même j’apprenais que mes parents divorçaient.
Je ne comprenais pas mais je savais que ma mère n’allait pas rentrer dormir.
Ma mère n’allait pas rentrer du tout.
Mais elle viendrait me chercher plus tard.

J’avais 4 ans. Je ne me rappelle pas du divorce de mes parents.
Le seul souvenir de cette période c’est ses larmes.
Mon père est humain. Il pleure.

jeudi 7 mars 2013

Life - Disparaître


50 kg pour 1m55

Il paraît que j’ai des formes. Plutôt jolies même, d’après les adultes. Je commence à avoir des hanches et pas mal de poitrine.
Mais à 13 ans c’est difficile. A 13 ans ça ne se fait pas de porter un vrai soutien-gorge et surtout pas du C.
D’avoir la taille fine et les hanches bien dessinées non plus.
Fini les petits débardeurs. J’ai ces choses en évidences.
Les garçons du collège me surnomment “gros seins”.
Leur nouveau jeu c’est arriver derrière moi discrètement, me toucher les seins et puis partir en courant.
Ça fait mal.
Mes copines ont beau être jalouses tout ça doit disparaître. Tout.

40 kg pour 1m55

Ils sont toujours là. Imposants. S’imposant à moi. Grossissant encore plus tout comme mes hanches d’ailleurs.
Pourtant je fais des efforts. Je ne mange presque plus.
Deux repas par jour. Ceux que je suis obligée de prendre avec ma mère.
Alors je prends des vêtements amples.
Des baggys, des sweats, rien de serré, rien de près du corps.
Se camoufler toujours.
Pourtant je les entends toujours m’appeler gros seins.
Ils jouent toujours aussi malgré les claques que j’arrive désormais à leurs rendre.
Ce n’est pas suffisant.

35 kg pour 1m55

J’ai beau perdre du poids mon corps reste énorme. Tout. Mes seins, mes hanches, mes cuisses, mon ventre. Tout est devenu gros, insupportable.
Je ne mange plus pourtant. Un bol de chocolat chaud, une tranche de jambon ou bacon et un yaourt par jour. C’est tout. Je pourrais grossir encore.
Je crois que cette balance est cassée. Tout comme celle du médecin d’ailleurs.
Ma mère s’inquiète. Elle m’a forcé à y aller.
Il m’a parlé d’anorexie, de soin, d’aide. De maladie. Mais je vais bien.
Il m’a interdit de maigrir encore. Je ne vais donc plus y retourner.

30 kg pour 1m55

Je ne mange plus qu’un yaourt par jour et c’est déjà trop. C’est difficile. Mon estomac n’en veut pas et pourtant je le garde. Je ne vomirai pas. Je ne suis pas malade.
Marcher est de plus en plus fatiguant. Je me trouve encore grosse et pourtant plus rien
ne me va. Mes jeans sont trop grands, mes soutifs aussi. Serai-je devenue normale enfin?
Je n’ai plus de surnom à l’école mais il faut dire que je n’y vais plus beaucoup. Le sac est tellement lourd, les cours sont tellement longs aussi. Mes nuits sont tellement courtes. Je suis tellement fatiguée.
J’ai n’ai plus tellement d’amis non plus.
Je crois que j’ai enfin réussi. Ce que je voulais plus que tout au monde.
DISPARAÎTRE.